|
|
La nature quasi constitutionnelle de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et l’idée d’une constitution québécoise
Benoît Pelletier *
C’est avec grand plaisir que j’ai accepté l’invitation qui m’a été faite de me joindre à vous ce soir pour la clôture du premier congrès de l’Association québécoise de droit constitutionnel.
Je dois d’abord dire que j’accueille très positivement la création de votre association qui favorisera l’apport d’une perspective québécoise à l’étude du droit constitutionnel. Ce nouveau forum de rencontres et de débats contribuera, j’en suis sûr, à la réflexion sur l’avenir de nos institutions, ne serait-ce que par la diversité des points de vue auxquels il donnera écho.
Pour son premier congrès, l’Association a choisi comme thème « La Charte des droits et libertés de la personne après 30 ans d’existence ». En effet, il y a 30 ans, le Québec affirmait, avec toute la solennité que représente la voix de l’Assemblée nationale, un certain nombre de valeurs fondamentales devant servir de référence dans nos rapports de société. Cette initiative, menée par le gouvernement de Robert Bourassa, est l’un des moments forts de notre histoire législative, de telle façon d’ailleurs que l’on peut dire que, depuis son adoption, la Charte des droits et libertés de la personne influe de façon importante sur l’évolution du Québec.
J’ai choisi d’aborder avec vous ce soir l’une des questions principales liées à la Charte, soit sa nature quasi constitutionnelle. Cet angle de réflexion nous permettra d’explorer ensemble les enjeux plus larges concernant la constitutionnalisation de la Charte et celle d’autres valeurs et règles fondamentales régissant le Québec. Nature de la Charte
Le débat qui entoure le statut que l’on devrait accorder à la Charte remonte aussi loin qu’à sa naissance elle-même. En fait, on se souviendra que, très rapidement, dans le cadre des travaux ayant mené à son adoption, les discussions portèrent sur la place qui devait être accordée à ce texte dans l’ordre juridique québécois. Il faut rappeler à cet égard que le premier projet de loi soumis à l'étude de l'Assemblée nationale, à l'automne 1974, ne prévoyait aucun mécanisme devant assurer la primauté de la Charte sur le reste de notre législation.
À la suite de nombreuses consultations, certains changements furent donc apportés au projet initial proposé par le gouvernement, modifications qui ont permis à la plupart des dispositions de la Charte d’avoir primauté sur toute loi postérieure qui serait en contravention avec elle, sauf en présence d’une clause de dérogation expresse. Ce statut évolua encore en 1982, alors que l’Assemblée nationale adopta le projet de loi no 86 qui élargit la prépondérance de la Charte pour qu’elle s’applique à l'ensemble des droits et libertés garantis, à l'exception des droits économiques. La Charte a désormais prépondérance sur toutes les lois du Québec, même sur les lois antérieures à son adoption. Par ces changements importants, le législateur confirmait sa volonté de voir la Charte occuper une place tout à fait particulière dans la législation québécoise.
En outre, la nature singulière de la Charte a été confirmée à de nombreuses reprises par les tribunaux. La Cour suprême du Canada, par exemple, a affirmé que « la Charte n'[était] pas une loi ordinaire mise en vigueur par le législateur québécois au même titre que n'importe quel autre texte législatif1 ». Encore récemment, dans l’arrêt Chaoulli, la Cour rappelait que la Charte québécoise se distinguait des lois ordinaires par son objet considérablement plus vaste, à savoir assurer le respect de l’être humain2.
En fait, la jurisprudence a reconnu à la Charte, à l’instar de lois similaires visant la protection des droits de la personne dans d’autres provinces ou au niveau fédéral, une nature quasi constitutionnelle. Ce statut particulier, à mi-chemin entre celui d’une loi « ordinaire » et celui d’une loi purement constitutionnelle, signifie notamment que la Charte permet que soient déclarées inopérantes les lois ou les parties de lois qui sont incompatibles avec ses dispositions.
Pourtant, malgré la position particulière qu'occupe manifestement la Charte dans notre droit, un débat persiste quant à sa nature. Les principales critiques qui s’élèvent soulignent que son statut dans l’ordre juridique continue d’être insatisfaisant, notamment parce que, même si elle est jugée quasi constitutionnelle, la Charte n’est pas à l’abri de simples modifications législatives, ce qui la place sur le même pied que les lois ordinaires et ce qui la distingue, évidemment, des textes constitutionnels à proprement parler, lesquels sont assujettis à une procédure plus contraignante.
Afin de pallier cette lacune perçue par certains, une solution souvent avancée a été celle d’« enchâsser » la Charte. C’est, par exemple, ce qu’a proposé la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse dans son rapport préparé pour le 25e anniversaire de la Charte. La Commission a, en effet, recommandé qu’une disposition préliminaire énonce que la Charte est une loi fondamentale, de nature constitutionnelle. Elle a aussi suggéré l'introduction d'un nouveau mécanisme exigeant que toute modification aux dispositions de la partie I soit adoptée par les deux tiers des membres de l'Assemblée et qu'elle fasse l'objet d'une large consultation publique. Une autre voie souvent évoquée serait celle de l’inclusion des dispositions de la Charte dans un texte constitutionnel plus global, qui comprendrait d’autres dispositions fondamentales régissant l’organisation de l’État québécois. Une telle initiative permettrait de réaffirmer de manière solennelle les droits reconnus par la Charte, tout en introduisant un mécanisme plus contraignant pour la modifier, dont les modalités seraient évidemment à définir.
Ces caractéristiques sont généralement associées à la notion de constitution. Celle-ci est habituellement décrite dans la littérature scientifique comme « l’ensemble des règles juridiques les plus importantes de l’État […] qui sont élaborées et révisées selon une procédure supérieure à celle utilisée par les lois ordinaires3 ». En fait, comme on le sait, le concept de constitution a deux sens : le sens matériel, qui renvoie à la finalité des règles visées, et le sens formel, qui renvoie à leur forme, à la façon dont elles sont adoptées et modifiées, à leur rang parmi les autres normes.
Ainsi, dans l’une de ses chroniques portant sur les institutions qu’il faisait paraître dans L’action, Jean-Charles Bonenfant, en 1965, définissait la constitution, dans son sens matériel, comme l’« ensemble des dispositions prévoyant l’organisation et le fonctionnement des organes de l’État4 ». Dans un texte publié quelques années plus tard, il définissait par ailleurs la constitution, entendue dans son sens formel, comme « un document qu’on entoure d’une certaine vénération et qui a été élaboré dans des circonstances solennelles et qui ne peut être modifié sans suivre une procédure spéciale5 ». Si le Québec a certainement une constitution au sens matériel du terme, il n’a cependant pas sa propre constitution au sens formel.
Pour certains, dont mon collègue Daniel Turp, qui l’a énoncé dans un ouvrage récent, la Charte pourrait constituer l’une des pierres d’assise d’une éventuelle constitution québécoise formelle. Je souhaiterais aborder cette question plus large en tentant de cerner quelques enjeux importants d’un tel projet. Une constitution pour le Québec? Les fondements de cette volonté.
En fait, il faut d’abord dire que cette idée d’une constitution québécoise n’est pas nouvelle en soi. D’ailleurs, elle n'est pas seulement liée à la réflexion entourant la Charte. En effet, dès que l’on parle de constitutionnaliser certaines lois québécoises, il est bien difficile de limiter le débat à la seule Charte des droits et libertés de la personne. D’autres textes fondamentaux viennent immédiatement à l’esprit; pensons à la Charte de la langue française. C’est ainsi que l’idée d’une constitution québécoise est revenue de temps à autre à l’ordre du jour et qu’elle a trouvé des défenseurs dans toutes les familles politiques.
Souvenons-nous que, déjà, en 1963, le gouvernement dirigé par le premier ministre Jean Lesage avait institué la Commission de la Constitution, chargée d’examiner diverses questions relatives à l’adoption d’une constitution québécoise. Malgré le fait que les travaux de cette commission n’aient pas donné de résultats concrets, ils ont néanmoins permis de constater, déjà à cette époque, une certaine communauté d’esprit quant à la pertinence que le Québec dispose d’une loi fondamentale. Cela ne s’est d’ailleurs jamais réellement démenti depuis, plusieurs partis ayant inclus, à un moment ou à un autre, dans leur programme, ce projet de rassembler dans un même document les valeurs qui animent le Québec.
Pour ma part, j’ai été à même d’examiner cette question dans le cadre du Comité spécial sur l’avenir politique et constitutionnel de la société québécoise, que j’ai dirigé en 2001. Dans son rapport intitulé Un projet pour le Québec – affirmation, autonomie et leadership, le Comité soulignait qu’il pourrait être opportun que le gouvernement procède à une consolidation et à une mise à jour des principes tirés ou inspirés de certains documents constitutionnels, législatifs et jurisprudentiels jugés fondamentaux pour la société québécoise. Pour le Comité, cette consolidation devait poursuivre l’objectif d’affirmer avec solennité les assises de l’État québécois, tout en conférant à ce nouveau texte une autorité morale certaine, bref, en établissant un réel contrat social.
Une telle initiative soulèverait cependant de nombreux enjeux qui méritent une analyse attentive. J’en aborderai brièvement trois qui me paraissent particulièrement importants, soit : le défi d’établir le contenu d’un tel document, les limites ou interrogations découlant du système parlementaire et, enfin, les enjeux propres à une telle volonté dans un cadre fédéral. Le contenu d’une constitution formelle du Québec
L’une des premières questions qui se pose est, bien sûr, liée au contenu d’un éventuel texte fondamental dont pourrait se doter le Québec. En 2001, le comité que j’ai présidé énumérait certains éléments possibles d’une consolidation des règles fondamentales gouvernant le Québec. Ainsi, de manière générale, nous suggérions qu’un tel document puisse contenir tous les éléments, actuellement épars, qui forment la constitution matérielle du Québec. Le texte pourrait ainsi inclure l’ensemble des dispositions constitutionnelles et législatives relatives à l'organisation de l’Assemblée nationale et du gouvernement du Québec qui sont contenues dans les articles 58 à 90 de la Loi constitutionnelle de 1867, dans la Loi sur l’Assemblée nationale et dans la Loi sur l’Exécutif. Il pourrait également contenir la substance de bon nombre de lois proclamées par l’Assemblée nationale sur des questions fondamentales.
À ce titre, au premier plan, on trouverait bien sûr la Charte des droits et libertés de la personne. Nous pourrions, de plus, retrouver d’autres lois importantes comme la Charte de la langue française, la Loi sur le ministère des Relations internationales, qui réaffirmerait le rôle du Québec dans le monde, la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. On pourrait également y incorporer certains éléments de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec, loi qui vient, comme on le sait, rappeler plusieurs des principes qui constituent les assises du Québec moderne. Enfin, un tel document pourrait inclure d’autres textes qui, bien que n'étant pas des textes législatifs, sont tout de même importants, comme certaines motions et déclarations adoptées par l’Assemblée nationale portant sur des sujets fondamentaux, telle la reconnaissance des droits des Autochtones du Québec.
Évidemment, on voit facilement l’ampleur de la tâche qui attendrait ceux qui entreprendraient un exercice semblable, même si certains sujets semblent à première vue pouvoir faire l’objet d’un consensus. Le choix de l'approche à retenir pour l'élaboration d'un tel document présente déjà un premier défi important. Faut-il, en effet, s'en tenir à une simple compilation des textes actuels? Serait-il préférable de refondre ceux-ci dans un nouveau texte en reprenant seulement les dispositions fondamentales qu'on estime devoir être constitutionnalisées, ce qui, déjà, suppose des choix, et donc des débats? Ou encore serait-il souhaitable d'entreprendre des travaux plus larges de réécriture de ce texte fondamental québécois, ouvrant ainsi la porte à des discussions beaucoup plus passionnées? Certains pourraient vouloir profiter de cette initiative pour repenser des aspects de notre constitution. D’autres pourraient vouloir y incorporer des éléments nouveaux et certains autres encore pourraient vouloir élargir la portée des dispositions actuelles, voire modifier substantiellement le fonctionnement de nos institutions.
Je n'ai pas, bien sûr, de réponse à ces questions. Une chose est acquise cependant, à mon avis, c'est que nous aurions tort de sous-estimer l’importance de cette tâche. S’agissant des valeurs fondamentales qui régissent notre organisation collective, il est clair qu’une initiative comme celle-là ne pourrait faire l’économie d’un large débat.
Par exemple, l’adoption d’un texte fondamental pour le Québec pose toute la question de savoir quels principes ou valeurs il faut y inscrire et quelle hiérarchie il faut établir entre eux. Si les Québécois et Québécoises peuvent aisément s’entendre tous ensemble sur des principes comme la liberté ou la justice, il n’en est pas nécessairement de même pour le droit du Québec à l’autodétermination, principe pourtant jugé fondamental et incontournable par certains, dont moi-même. Les limites liées aux principes du parlementarisme
Le deuxième enjeu que je voudrais évoquer ici est lié au fonctionnement même de notre régime parlementaire. En effet, comme nous l’avons vu, l’une des caractéristiques habituellement associées à une constitution formelle est l’existence de mécanismes de modification plus contraignants que ce qui prévaut à l’égard des lois ordinaires.
Au Québec, l’Assemblée nationale aurait, bien sûr, l’autorité constituante nécessaire à l’adoption d’une telle loi. L’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 accorde, en effet, à la législature provinciale le pouvoir exclusif de « modifier la constitution de sa province ». On peut d’ailleurs penser que plusieurs des lois québécoises existantes formant la constitution matérielle du Québec reposent sur cet article ou sur le paragraphe 92 (1) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui l’a précédé.
Mais, dans la perspective d'une sorte d' « enchâssement » de telles lois, se poserait alors la difficulté pour l’Assemblée nationale d’adopter une loi prévoyant qu’elle ne peut être modifiée par les règles habituelles. On sait, à cet égard, qu’une théorie dite « classique » du parlementarisme a soutenu qu’il n’est pas possible pour un parlement de tradition britannique de limiter son action future en s’imposant une procédure d’adoption des lois plus contraignante.
De nos jours, une autre théorie semble toutefois s’imposer sur cette question. En effet, on admet de plus en plus qu’un parlement aurait la possibilité de se lier pour l’avenir, mais uniquement pour les aspects qui concernent le processus d’élaboration de la loi, et non pour les aspects substantifs. Selon cette conception, l’Assemblée nationale pourrait donc assortir la modification de la constitution du Québec d’exigences plus lourdes que pour les lois ordinaires, par exemple en imposant une majorité renforcée.
Cependant, au-delà de ce débat juridique, il est permis de croire que le choix même d’un mode de modification plus contraignant risquerait d'être une entreprise délicate. Cela s’explique d’abord par le fait qu'il demeure difficile d'établir un équilibre harmonieux entre l’exigence de mettre sur pied un mécanisme démocratiquement satisfaisant et les impératifs d’une gouverne efficace. Les limites liées au fédéralisme
Enfin, j’évoquerai une autre réserve, soit celle liée à la manière dont pourrait s’articuler un exercice constitutionnel québécois dans le contexte fédératif. Comment, en effet, cohabiteraient au Québec un texte fondamental et la Constitution du Canada?
D’abord, sous l’angle de la validité d’un tel document dans le contexte fédératif, il est clair que toute loi constitutionnelle québécoise devrait respecter les dispositions de la Constitution du Canada. Les dispositions de cette loi incompatibles avec celles de la Constitution du Canada seraient déclarées inopérantes. Un tel texte serait ainsi tributaire du pouvoir des provinces de modifier leur propre constitution. Par exemple, il ne pourrait prétendre modifier la charge de lieutenant-gouverneur ou autrement dénaturer nos principes fondamentaux d’origine britannique, non plus qu'il ne pourrait modifier une disposition qui, bien que semblant être de portée provinciale, serait plutôt liée au maintien des conditions fondamentales de l'union canadienne ou à la mise en œuvre du principe fédéral. On voit donc que certaines de ces limites peuvent être assez floues.
Quoi qu’il en soit, en respectant ces conditions fondamentales, il demeure évidemment possible pour le Québec de se doter d’une constitution. En fait, plusieurs États membres de fédérations possèdent leur propre constitution. C’est notamment le cas aux États-Unis où plusieurs États possèdent une constitution formelle, comme le Massachusetts ou la Californie. Ces textes, tout en s’inspirant du style rédactionnel de la Constitution fédérale, aménagent l’exercice des compétences qui relèvent des États membres. Au Canada, la Colombie‑Britannique a son Constitution Act, même si sa portée demeure limitée, notamment parce qu’il ne s’agit là que d’une loi ordinaire de la législature, qui peut donc être modifiée en tout temps, et parce qu’elle revêt, somme toute, un caractère assez technique.
Mais au-delà des questions liées à sa validité, un autre enjeu de l’adoption d’une constitution dans le contexte québécois et canadien concerne son aspect symbolique. Dans le cours de notre histoire, le concept de constitution québécoise a parfois été associé à des épisodes de forte tension avec le reste du Canada. Cette notion fait donc en quelque sorte partie du débat qui oppose encore aujourd’hui beaucoup de Québécois et de Québécoises ne partageant pas la même vision de leur appartenance à l’ensemble canadien.
Les fédéralistes sont en général très suspects par rapport à l’adoption d’une constitution québécoise, alors que les souverainistes y sont plutôt sympathiques. Parmi ces derniers, un certain nombre y voient un premier geste de rupture avec le Canada, l’embryon d’une éventuelle constitution d’un Québec souverain. Le fossé politique qui sépare les fédéralistes et les souverainistes au Québec constitue donc encore, qu’on le veuille ou non, un obstacle de taille à l’adoption d’une constitution québécoise.
Pour ma part, je n’ai aucun doute que la plupart de ceux qui promeuvent le projet d'une constitution pour le Québec le font dans la perspective tout à fait légitime de doter le Québec d’un document rassembleur, incarnant le mieux notre vouloir-vivre collectif en définissant qui nous sommes et quel héritage nous souhaitons léguer aux générations qui nous suivent. Cependant, il ne faut pas écarter la possibilité que, sur un sujet aussi sensible, un tel projet soit lui aussi prisonnier du débat interminable portant sur l’unité canadienne.
Qu’on le veuille ou non, il y a de ces moments où la théorie juridique se heurte à la réalité politique. J’en sais quelque chose, étant moi-même fréquemment appelé à nager entre ces eaux. Projet de constitution du Québec
Certains ont déjà fait remarquer que la constitution du Québec aurait dû exister depuis longtemps avec, comme pièce maîtresse, la Charte des droits et libertés de la personne. Il s’agit là, sans doute, d’un projet qui permettrait d’affirmer les valeurs fondamentales du Québec, tout en s’inscrivant dans le contexte fédératif canadien. Une telle initiative pourrait également être l’occasion de poursuivre dans la voie de la modernisation de nos acquis démocratiques.
À cet égard, vous savez que le gouvernement du Québec a déjà amorcé d’importants travaux relatifs à la modernisation de ses institutions démocratiques, principalement en ce qui concerne le mode de scrutin. Il s’agit là d’un dossier que nous sommes très déterminés à mener à terme, comme le démontre la consultation élargie que nous avons conduite et qui nous mènera éventuellement au dépôt de nouvelles propositions.
Les débats que soulève ce projet d’amélioration de notre mode de scrutin témoignent cependant de l’ampleur du défi que représentent des changements de cette nature. On voit bien la difficulté à dégager les consensus nécessaires lorsqu’il s’agit d’apporter des changements touchant aux fondements mêmes de nos institutions et de nos valeurs démocratiques. Il s’agit là de dossiers où l’appui de la population, bien qu’apparent parfois, ne doit jamais être tenu pour acquis.
Quoi qu’il en soit, j’ai bon espoir que nous parviendrons éventuellement à passer outre aux divisions classiques entre souverainistes et fédéralistes et que nous réussirons à nous entendre sur des principes fondamentaux auxquels nous donnerons une autorité spéciale dans la société québécoise.
En terminant, ce soir, je souhaite vous adresser une invitation, celle de continuer d’alimenter, par vos travaux, par votre réflexion et vos débats, notre compréhension de ces sujets importants qui concernent l’avenir de la vie démocratique de l’ensemble de nos concitoyens. Grâce à des initiatives comme la mise sur pied de l’Association québécoise de droit constitutionnel et le congrès d’aujourd’hui, les idées peuvent progresser de manière à nous permettre de mieux cerner les possibilités qui s’offrent à nous.
Ce effort de réflexion sera d’une importance déterminante pour préserver les acquis qui définissent l’identité du Québec, au titre duquel la Charte des droits et libertés de la personne apparaît comme un exemple des plus éloquents, tout en nous préparant à nous adapter aux défis de demain.
* Député de Chapleau et ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes. Ce texte constitue l’allocution de clôture du premier Congrès québécois de droit constitutionnel qui s’est tenu à Québec le 12 mai 2006.
1 Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345, 371.
2 Chaoulli c. Québec (Procureur général), [2005] 1 R.C.S. 791, 814.
3 Pierre AVRIL et Jean GICQUEL, Lexique – Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2003, p. 33-34.
4 Jean-Charles BONENFANT, « La constitution du Québec », L’Action, 25 février 1965, p. 4.
5 Jean-Charles BONENFANT, « La Constitution », La Presse, 1976, p. 5, cité par Benoît PELLETIER, La modification constitutionnelle au Canada, Scarborough, Carswell, 1996, p.41, note 121. |